PICASSO DEVANT LES PISSEUSES 2/3

par Alexis Lucchesi dit « Vie Sublime »

2) Julie Beauzac & Sophie Chauveau

 « Selon vous, le génie n’est-il qu’un mythe ?
– Oui, c’est une construction. »
Julie Beauzac, beauxarts.com, 22 décembre 2021

Pour comprendre le « travail » de Bril, l’onction qu’elle a reçue y compris par des profs d’histoire complices d’une farce leur servant à fourrer leurs dindes en amphi, on doit passer par le podcast de Julie Beauzac, « Picasso, séparer l’homme de l’artiste » mis en ligne en mai 2021 sur son blog « Vénus s’épilait-elle la chatte ? ». Ouh la la, ça « déconstruit » grave les préjugés par ici… Une teuch’ sans poils, c’est évidemment le symbole du diktat multiforme imposé aux meufs depuis 1 million d’années, au moins ! On pourrait décliner le concept : « La Dentellière de Vermeer portait-elle un string (en dentelle) ? » ; « Les mecs de La Ronde de Nuit prenaient-ils de l’ecstasy (pour faire la ronde toute la nuit) ? ; « Le Déjeuner sur l’herbe, était-ce de la weed ? » ; « La chapelle « Sixtine » fait-elle référence aux goûts de Michel-Ange pour les mineur.e.s ? » ; « Le Printemps de Botticelli tient-il compte du réchauffement climatique ? », etc., etc. Aboule les subventions, ministère de ta culture !

Beauzac a le même genre de voix crispante et grelucheuse que Bril, mais plus timide, provinciale. Son job consiste à « étudier » l’art occidental sous le prisme d’une gynolâtrie symptomatique en pointant les mythes et leurs représentations d’où proviendraient toutes les idées reçues, tellement injustes, sur la femme « fatale et nocive », hystérique et jalouse… Avec son diplôme de l’École du Louvre, la blogueuse fait très intello pour sitcom (son vrai fonds culturel), celle en salopette et couettes, lunetteuse abrutie, c’est la Fifi Brindacier du cybermonde. Voilà ce que j’ai enduré : 1h et quelques de révisionnisme par une trentenaire vieillasse qui a mis 6 mois selon ses dires à pondre son vide sur Picasso, génie prétendument « fabriqué par la société » pour asseoir son « impunité » d’« homophobe » « violeur », plus « violent » qu’un hippopotame alcoolique en rut… N’en jetez plus !

Julie Beauzac

Aux côtés de Beauzac, son invitée Sophie Chauveau, sioniste membre du comité directeur de l’association France-Israël, épouvantable dadame moins connue pour ses complotisteries anti-pédo (elle collabore au magazine conspi au cube de Karl Zéro) que pour ses « romans historiques » d’une suffisance divagante inouïe. Elle, quand on l’écoute parler de Picasso avec son ton d’histrionne se complaisant salement dans un dégoût de façade (c’est ça, la perversion), on comprend tout :

Quelle comédienne ! C’était d’ailleurs sa vocation puisque ses seules études, elle les a menées au Conservatoire d’art dramatique avant de jouer les divas de la plume… Depuis le temps que ce bas-bleu délire sur tout ce que l’Occident compte de valeurs culturisables – De Vinci, Botticelli, Diderot, Manet – investissant la vie des grands hommes (et même de la Vierge) pour fantasmer dessus au détriment de toute véracité, il ne s’est pas trouvé un type pour lui fermer sa bouche écumante de bave psychanalytique. Au contraire, le grand-public en raffole, c’est les Feux de l’amour au musée ! Heureusement, quelques (trop) rares lecteurs sur Amazon ont su flairer la supercherie…

Sur son livre sur De Vinci

Sur Botticelli

Sur Manet

Voilà, c’est ça Sophie Chauveau, l’expert touch des pisseuses. On en a l’immédiate confirmation en ouvrant son livre Picasso, le Minotaure (2020) sur lequel Beauzac et ses copines s’appuient pour faire sourdre leurs trompes de Fallope. L’épigraphe déjà, signé Philippe Forest (autre boomer conspi) : « Il ne faut jamais oublier de quelle formidable falsification relève l’entreprise biographique »… En effet ! Puis le prologue, où une anacoluthe révélatrice apparaît : « Féministe, il est mon ennemi radical et définitif. » C’est Picasso qui est féministe, grognasse ? L’esprit général des titres ensuite : « Marie-Thérèse, ou le démon de midi ». Et des phrases du plus haut comique enfin : « … ils s’embrassent, ils s’étreignent, ils jurent de s’aimer toujours, ils s’enferment dans les cabines de bain, désertes en ces mois de pluie » ; « Elle est terriblement mineure […]. Si le « vieil homme » comme elle cesse bientôt de le désigner, bande comme un fou, il ne doit rien laisser paraître » ; « Après la prostate, l’audition, la vision, au tour de sa mobilité. Sa liberté de mouvement périclite, mais chut. Pas un mot, sinon il jette son Minotaure aux trousses de qui divulguerait ses secrets : un Minotaure toujours prêt à dévorer sa livre de chair fraîche »… La sexa s’émoustille, à l’aide !

Sophie Chauveau

À elles deux, Beauzac et Chauveau vont donc relancer la fusée anti-Picasso dans l’espace infini de conneries et de faux connaisseurs qu’est Internet. Une vraie petite officine de propagande, du livre au podcast à la vidéo YouTube signée Bril… Si le gros de leurs fadaises a été démonté dans la première partie, il nous reste à aborder les théories féminos ayant justifié cet épisode du blog « Vénus s’épilait-elle la chatte ? ». Accrochez-vous, les filles : vos 400 000 écoutes se fêtent sous la mitraille !

LE PODCAST « PICASSO : SÉPARER L’HOMME DE L’ARTISTE »

On n’enfume jamais mieux ses auditeurs qu’en s’enfumant soi-même. Tout l’objectif de Beauzac et consœurs, c’est de se rassurer sur leur absence de talent en prétextant un accord tacite, « structurel » au cours des siècles entre le patriarcat et les artistes masculins sans distinction, pour promouvoir des profils selon elles fort discutables mais « unanimement proclamés génies » au détriment des femmes. Une fois bien crevés, syphilitico-édentés, déportés ou suicidés de la société, peut-être ! Il faut n’avoir lu aucune vraie bio d’artiste, n’avoir rien compris aux rapports conflictuels (doux euphémisme) qu’entretient ce dernier avec les autorités, les institutions et le public pour décréter qu’un Genet, un Rimbaud, un Poe, un Melville, un Céline, un Vallès, un Artaud, un Manet, un Van Gogh, un Bloy, un Dostoïevski, un Modigliani, un Chet Baker, un Verlaine ont bénéficié d’un « ensemble de conditions sociales, culturelles et économiques » leur « permettant d’être financés, soutenus, reconnus par leurs pairs ». Sottises que même une cervelle détraquée à l’éther n’aurait pu concevoir…

Comme tous les beaufs cuvant leur envie, Beauzac se méprend sur la richesse de Picasso qu’elle rattache à un système qui aurait naturellement favorisé son succès. Elle part du père de l’artiste, Don José, lui aussi peintre ou plutôt badigeonneur encourageant son talentueux rejeton à mettre ses pas dans les siens, et elle déroule sa théorie à la con : « Il l’a formé, et quand il avait onze ans, il l’a fait admettre dans l’école où il était prof. C’est assez légitime de se demander si ses parents auraient fait autant d’efforts si Picasso avait été une petite fille… » Demande-toi, commère, demande-toi… En attendant, « si Picasso avait été une petite fille », eh bien il se serait vu proposer, et toujours à 11 ans comme ç’a été le cas de Lola sa sœur cadette, une école de musique – qu’elle a déclinée.

L’art chez les Ruiz-Picasso, et plus spécifiquement la peinture, était une histoire de famille. Le grand-père paternel s’y était essayé, y renonçant pour nourrir son foyer. Plouf ! fait la chansonnette sur la société avantageant les créateurs mecs… Le fils aîné du patriarche ainsi qu’une de ses filles (eh oui) auront à leur tour la liberté de s’adonner à leur pictural loisir, mais de cette fratrie de onze, il n’y a que Don José qui tirera son pinceau du jeu, sans toutefois dépasser le stade de fonctionnaire médiocre au service des Beaux-Arts, ramenant en fait de fric pour sa famille les quelques clopinettes qui autorisaient sa femme, sa belle-mère et sa belle-sœur vivant sous le même toit à régulièrement souffler sur les braises de son impécuniosité…

Le petit Pablo reprendra d’autor’ le flambeau et année après année, parmi une tribu de femmes dictant leurs lois, s’imposera comme un prodige habité voire dévoré par une puissance échappant au contrôle du gynécée qui avait misé sur lui pour une carrière de grand peintre bourgeois comblant les limites de Don José. On se penchera une autre fois sur la misogynie qui découle de la fréquentation prolongée d’un univers sous domination féminine… La formation compte moins que les cojones pour s’affranchir des visées familiales, menace majeure pour le développement d’un esprit libre. À 14 ans, Picasso supplante son père, il ne deviendra pas comme lui un prof lambda, peintre limité dans ses formulations classiques. Mais mâter la figure patriarcale n’impressionne pas les gamines mesquines si c’est un homme qui remporte le combat… Deux ans plus tard, le jeune andalou quitte le nid pour les bas-fonds madrilènes, la crasse, la maladie, l’impossible hiver 1897-98 et un atelier miteux partagé avec son grand ami Pallarès. Il renonce dans la foulée à l’Académie royale (Bril et Beauzac ont-elles renoncé à l’Université ?…) dont il avait passé à l’aise le concours. Ça signifie répondre à l’appel, c’est reconnaître sa vocation, accueillir la grâce. Allez faire comprendre ça à une féministe pour qui tout n’est que « construction sociale » et qui n’a pas assez des limites de la Terre pour dénicher de spécieux alibis…

Tout désapprendre des règles conventionnelles, bouleverser les liens entre le réel et sa représentation, forger un langage esthétique inédit, fouler aux pieds les attentes de papa-maman, s’arracher à la fatalité en défiant le magistère moral, passer d’une relative pauvreté à la mouise totale dans un pays étranger aux forts relents nationalistes et policiers, corser le tout et se mesurer par un travail incessant aux colosses de l’histoire de la peinture, voilà les « privilèges » auxquels la pucelle Julie Beauzac fait allusion en discutaillant les mérites d’un ado qui la dépassait déjà du cœur et de la tête.

Tableaux de Pablo Ruiz-Picasso, 13 ans

Portons le coup de grâce aux calembredaines féminos. On glose et jacasse ad lib, et puis un jour tout s’écroule devant un fait irréfutable qui tient en une phrase : jamais, avant la fin de la Seconde Guerre mondiale, Picasso n’a été reconnu comme un génie par la France où il avait débarqué pour la première fois en 1900. Vive la loi des compensations ! Beauzac diffuse son crapuleux podcast l’année de sortie du livre d’Annie Cohen-Solal, Un étranger nommé Picasso, fondamental pour saisir l’impossible contexte auquel le jeune peintre s’est heurté en mettant le cap sur Paris…

Prix Femina vs. Podcast féministe

D’habitude, une féministe adore soutenir en paroles les migrants gagnant l’Hexagone et ses épilepsies xénophobes. Ça tombe bien : migrant, Picasso en était un, et c’est la communauté catalane subsistant à la diable sur la Butte Montmartre qui l’a accueilli. À trois reprises, dans une galère infernale, faite de sous-loc’ pourlingues et d’allers-retours en Espagne, Pablo échouera à s’installer dans la capitale. Durant ce que Cohen-Solal nomme une « véritable odyssée », il a pour compagnons des exilés politiques, des modèles mariées souhaitant échapper à leur mari, de futurs suicidés parmi lesquels son meilleur pote Casagemas désespéré par une femme (que font les hoministes ?…), des soûlards et des putes, des morphinomanes et des barjots, poètes sans le sou, rapins à la dérive, tous les proscrits relégués dans des taudis à se flinguer… On connaît ça par cœur…

En 1904, enfin installé à Paris, le peintre rejoint « une communauté entassée dans une des habitations les plus précaires et les plus vétustes de la capitale, qui sera détruite dans un incendie quelques décennies plus tard ». C’est le Bateau-Lavoir. Sans alloc’ ni assistance sociale, infatigable malgré les rats, le gel d’hiver ou les tortures d’étuve l’été, la découverte d’un de ses voisins pendu et la faim qu’il lui arrive de tromper par l’absinthe, Pic’ peint jusqu’à trois toiles par jour, zone les musées, remplit carnet sur carnet de croquis et d’ébauches le mettant sur la voie du cubisme. Sa puissance et son acharnement, sa concentration proche de l’hypnose attirent des quatre coins du monde une jeunesse qui a faim d’avant-garde. Le miracle s’apprête à prendre comme un feu à la barbe de tout un pays imbu, moussant de rage patriote…

Mais défense de s’emballer ! Car tout ceci n’est que clopinettes pour Beauzac qui minimise au surplus l’épisode de misère du peintre en arguant que « Picasso est pas resté très longtemps dans la précarité, il y a un peu ce mythe de l’artiste qui a froid dans son atelier mais pour lui, ça représente vraiment une toute petite période de sa vie » ! Dix ans quand même, conne… Pablo est entouré de parias, hommes et femmes, qui n’ont d’autre choix que de se serrer les coudes, et alors ? Ce sont là, d’après le jargon beauzacien, des « conditions socio-culturelles » exaltant une « masculinité toxique » en « reproduisant les mécanismes misogynes » de « boys clubs » qui perpétuent la logique des « cercles de pouvoir »…

Exemples de « cercles de pouvoir » et autres « boys clubs » à Calais et Paris selon Julie Beauzac

Avale ta langue, Beauzac ! Picasso n’a bénéficié d’aucun passe-droit ni favoritisme « hétéro-patriarcal ». Il a pris à revers l’ordre dominant, attaqué au marteau-piqueur le statu quo. Son réseau, il se le fait dans son coin, en stratège irrésistible.Il devient riche grâce à son travail d’abord, puis à la volonté d’une poignée d’individualités visionnaires et à la marge, et certaines de sexe féminin ! Le premier marchand français à faire l’acquisition d’un tableau de Picasso (Le Moulin de la Galette, avec des lesbiennes en premier plan) est d’ailleurs… une marchande ! Et juive en plus de ça ! Gloire à Berthe Weil !

Boudées un moment, les périodes bleue et rose du peintre vont soulever l’enthousiasme de deux autres Juifs fabuleux, expatriés en terre hostile : l’Américain Leo Stein et l’Allemand Daniel-Henry Kahnweiler. Personne ne les connaît, le second n’a pas 20 ans et il a à peine de quoi s’offrir une boutique de 4 mètres sur 4 intramuros. Kahnweiler a certes « soutenu très vite » Picasso comme l’ânonne Beauzac (sous-entendu : « Pff, trop facile de réussir avec cette sociabilité mascu très puissante… »), mais il n’était pas « un des plus grands marchands et collectionneurs d’art contemporain » attendant à bras ouverts son gars sûr, petits fours, sofa, « hey Pablo je t’offre une mousse ? »… Pointure de l’art moderne, Kahnweiler l’est devenu en misant, et avec quels flair et prise de risque, sur le jeune Pablo, tissant très professionnellement sa toile à l’internationale auprès de rarissimes connaisseurs. Nuance !

Côté Leo Stein, c’est pareil : on se chauffe avec la génération précédente (Cézanne, Gauguin…) puis on passe par les fauvistes honnis par l’art officiel, et on atterrit chez Picasso dont on va rafler les œuvres et parfois régler les factures. Tous ces grands noms (qui ne l’étaient pas à l’époque) sont accrochés aux murs de l’appart des Stein, rue de Fleurus, dans l’incompréhension et les moqueries générales. Mais Leo est bientôt rejoint dans son « prosélytisme héroïque » par sa sœur, l’admirable Gertrude. Elle est lesbienne et cumule les tares aux yeux de la société, qu’à cela ne tienne : sur le cubisme elle est pionnière quand son frère bloque face aux Demoiselles d’Avignon. Trop bon ! C’est une queer avant l’heure, écrivaine brillante, qui sera l’acheteuse et la promotrice d’un mouvement pictural stigmatisé à l’époque par l’État français et aujourd’hui par les féministes ! Gertrude Stein est l’interlocutrice privilégiée de Pic’, sa meilleure pote, ce qui n’empêche pas Beauzac de taxer le peintre d’« homophobie »… C’est peut-être un des seuls hétéros de son époque qui n’avaient strictement aucun problème avec ça ! Et tous les Stein s’y mettront : Michael le frère aîné et sa femme Sarah, et plus tard la meuf même de Gertrude, Alice B. Toklas, autre goudou juive fascinante, polak lettrée férue de musique, pote d’Hemingway tout ça, tout ça… Un exemple LGBT en somme…

Gertrude Stein & sa compagne Alice B. Toklas

Ces quelques sauveurs qui « contribuèrent à bouleverser l’état de l’art et de la littérature dans le monde occidental » (Annie Cohen-Solal) sont des originaux évoluant en dehors des normes. Ils n’auront pas la partie facile… À son avènement et sur des décennies, le cubisme sera perçu comme une « menace pour l’identité française ». Les théoriciens parlent d’un « massacre d’un courant esthétique » à échelle nationale, la France accusant la fracture et un retard inadmissible sur d’autres pays plus amènes en la matière… Qui sait qu’en 1912, ce qu’on appellera « la polémique xénophobe » s’invitera à la Chambre des députés, où des élus de la République s’en prendront nommément au cubisme, obnubilés par ce « noyau d’allogènes », cette « bande de malfaiteurs » accusés de porter atteinte au « génie français » ? Qui sait qu’on souhaitera purgerle jury du « Salon d’Automne », soi-disant aux mains des « métèques » ? Kahnweiler est d’ailleurs obligé de protéger ses peintres en ne les exposant pas ! Tout doit se passer dans sa galerie, sous le manteau… Il crée alors une « micro-République », construit « un territoire qui échappe au fonctionnement officiel de l’État » ainsi qu’ « au contrôle exercé sur l’art contemporain par la toute-puissante Académie des beaux-arts. » Merci, Annie Cohen-Solal !

Et c’est pas fini ! Quand la guerre de 14 éclate, l’intégralité des toiles de Kahnweiler sont confisquées et mises sous séquestre par la France. De nationalité allemande, le marchand qui refuse de choisir entre sa terre natale et sa terre d’accueil est traité en ennemi. 700 toiles de Picasso seront bradées aux enchères quelques années plus tard, éparpillées aux quatre vents… Il faudra attendre 1947 (1947 !) pour que la République daigne jeter un œil au génie bafoué qui ne demandait qu’à faire le prestige de ce pays de merde. La béance a commencé à se combler du fait même du prince-peintre, via des dons d’œuvres pour un tas de maires lors de la reconstruction nationale d’après-guerre. Le déséquilibre entre la production titanesque de l’artiste et la négligence de l’État français était tel qu’il a fallu créer une « loi dation » en 1968 en vue de la mort de Picasso (sympa…). Ses héritiers allaient pouvoir s’acquitter de leurs frais de succession en nature, c’est-à-dire en refilant des milliers de tableaux à ce puant pays…

Quant au cubisme, le tort n’est toujours pas réparé. Achevons Beauzac en laissant le dernier mot à l’auteure d’Un Étranger nommé Picasso : « Après le ratage du fauvisme par l’État (…) le ratage du cubisme (…) qui ne fut pas plus intégré à la vie du pays, les œuvres issues de ces deux mouvements esthétiques restent très sous-représentées dans les collections publiques révélant également une faute éthique et politique. »

Annie Cohen-Solal

COMPRENDRE LE PIRE

Internautes, tas de blaireaux, un convent de sorcières vous a eus, toutes leurs « productions » sont viciées ! Un scandale à plastiquer les locaux de Radio France, qui a remis son prix de la « Révélation Podcast » à Beauzac dans le cadre du Paris Podcast Festival 2021. Hop ! 3000€ pour Juju + promo du service public pour ce crachat anti-Picass’ « très documenté et captivant, remarquable sur le fond comme sur la forme, qui permet de rendre accessible un contenu pointu, pour ses démonstrations implacables, son sens du récit et l’implication de sa narratrice »… Signé :

  • Erwann Gaucher, adjoint à la direction des antennes et de la stratégie éditoriale de Radio France
  • Thomas Biasci, chef de projet innovation et podcast de Radio France
  • Florent Latrive, directeur délégué au numérique de France Culture
  • Sara Ghibaudo, journaliste à France Inter
  • Neïla Latrous, journaliste à France Info
  • Laure Grandbesançon, productrice à France Inter
  • Evan Lebastard (bel aptonyme), journaliste à France Bleu

Julie Beauzac primée trois fois au Paris Podcast Festival 2021

Ces 7 mercenaires de latrines, fidèles à leur vocation, n’ont pas tiqué à des assertions plus poisseuses les unes que les autres. Beauzac est trop cruche pour qu’on s’en méfie, apparemment… L’enfer, c’est les sources. La blogueuse, intoxiquée par des concepts qui ne sont pas les siens, en semi-habile a détourné la méthode universitaire pour berner un monde qui n’attendait que ça. Son podcast tient en fait à trois livres de même tendance, l’un inspirant l’autre (au revoir la « critique des sources », bonjour le « biais de confirmation »), tous d’autrices sans aucune qualification, louches à mourir et complètement méprisées par les connaisseurs. À tort, car sans croisade contre ces dégoûtants ouvrages signés Arianna Huffington (source originelle du mal citée 30 fois par Beauzac, on verra ça dans la 3e partie), Marina Picasso et Sophie Chauveau, il était couru qu’un public de ménagères en feraient des choux si gras qu’ils suffiraient à nourrir un continent entier de faméliques de l’esprit.

Les faits sont faux parce qu’on cherche à les greffer sur un racisme d’un nouveau genre ayant pignon sur rue. Je somme les siècles à venir, qu’on espère débarrassés des chiens de la casse culturelle, de nous juger sur ces seules interrogations de Beauzac : « Est-ce que le cubisme aurait eu l’importance qu’on lui donne aujourd’hui dans l’histoire de l’art si Picasso avait été moins pervers ? Et on peut aller plus loin, est-ce que juste le cubisme aurait existé ? » Qu’on nous précipite tout en bas de la chaîne alimentaire d’avoir valorisé une bigote tarée capable de s’indigner de la sorte : « Picasso était complètement obsédé par l’idée de destruction. Il avait aussi un certain sens de la formule ignoble, et il y en a certaines qui sont restées, par exemple : Pour faire une colombe il faut lui tordre le cou, ou encore mieux : La nature existe pour que nous puissions la violer. »

Ô pays, engeance, époque d’expansive et fanfaronne crétinerie ! Il y a l’avenir, mais le passé et ses hommes « oppresseurs » vous devancent de mille longueurs eux aussi ! Voyons les notes d’un jeune italien de 1906, le futuriste Gino Severini : « Picasso. Dès le début, il coupe les ponts derrière lui, s’impose les conditions les plus difficiles dans lesquelles il faut gagner ou mourir (…). Dans chacune de ses toiles, il procède par “destruction” et non par “addition” : quel effort de volonté et quelle énergie pour fonctionner ainsi ! Détruire, puis recommencer, en rejouant tout, en reprenant chaque partie à son début : telle est la grandeur de Picasso. » Beauzac a-t-elle vraiment lu Gilot, au diapason de Severini sur l’impératif destructeur de l’artiste ?… Devoir d’en douter ! Elle prétend avoir vu Le Mystère Picasso de Clouzot et elle n’a même pas compris comment le peintre s’y prenait… « C’est un film en noir et blanc qui dure une heure vingt » dit-elle en ironisant sur Clouzot (qui selon elle « dégouline presque littéralement d’adoration ») alors que le film est aux trois quarts en couleurs !!

Screens du Mystère Picasso (1955) de Clouzot

Avec Chauveau, les sources disparaissent carrément, mais comme elle plagie de l’intox, ses références sautent aux yeux. D’où peuvent bien provenir, à part de son livre veux-je dire, des allégations de ce type : « Certes, il couche avec les femmes de ses amis, vivants ou morts. Il a séduit une enfant de dix-sept ans, lui imposant même des expériences de coprophagie » ?… Facile ! D’un autre livre enchaînant calomnie sur calomnie, Dora Maar, prisonnière du regard (2003), publié par l’« écrivaine » argentine Alicia Djovne Ortiz : « … il se trouvait à cette période de la vie qu’on appelle le démon de midi. Si on laisse de côté les histoires du petit gitan et Manyac, il avait couché avec les femmes de ses amis, vivants ou morts, avait mis Marie-Thérèse dans son lit et l’avait plongée dans la stupéfaction avec des expériences de coprophagie. » Miam ! Mais quelle odeur, quelle texture, quel goût avait la merde, les filles ? Et à qui appartenait-elle, d’abord ? Pablo ou Marie-Thérèse ? Les deux mélangées pour de pasoliniennes agapes ?… On voudrait savoir !

Cet emprunt (il y en a à foison) est essentiel pour comprendre ce qui nous occupe et comment un racontar abject, un fait sur-interprété voire totalement inventé devient une vérité dont « plusieurs sources attestent » alors que ça ne part jamais que d’une crasse reprise ad nauseam par de la graine de concierges assez affrioleuses pour le faire. Le récit-pipeau de Chauveau, opportunément publié à l’ère « MeToo », est une mise à jour de tout ce qui traine dans le caniveau de la médisance où s’ébrouent des utérus en roue libre, que d’aveugles et pudibondes bécasses prennent pour des lanternes.

C’est Chauveau la veuve noire qui en France s’est fait le relais des rumeurs qu’on se refile comme des miasmes sur Picasso « violant » Marie-Thérèse ; Picasso « n’accordant jamais la paix » à Olga après leur séparation (rires) ; Picasso frappant Dora Maar sans qui soi-disant Guernica n’existerait pas ; Picasso se les grattant pendant la Seconde Guerre mondiale (« Ce qui arrive au monde ne l’intéresse pas, il n’y a que ce qui arrive à Picasso qui l’intéresse » – sic !) ; et Picasso abandonnant Max Jacob à son sort face aux nazis… C’est Chauveau qui incite Beauzac à dire qu’il est « probable » que Madeleine Bloch (une des modèles du peintre du temps du Bateau-Lavoir) ait été sexuellement abusée par l’artiste parce qu’elle est tombée enceinte de lui… Ce qui motive cette hypothèse : la bi-sexualité voire le lesbianisme de la meuf que personne n’a formellement confirmé mais que Chauveau tient pour certain au vu des « quelques Étreintes » brossées par l’artiste à cette époque. Impossible par conséquent que Madeleine ait pu désirer Pablo !… Broderie tendancieuse sur du vide… C’est gravissime mais ça passe, le service public s’en empare et le glorifie !

Extrait de Picasso, le Minotaure de Sophie Chauveau (2020) sur Madeleine Bloch

CONCLUSION

Ce podcast, c’est l’exercice d’auto-persuasion d’une paumée qu’une marâtre flatte dans sa lugubre vision du monde. Beauzac et Chauveau font d’un grand nom leur faire-valoir, l’empire de merveilles qu’il a construit, son système, elles le détournent pour injecter leur poison au cœur de sa gloire qu’elles convoitent pour leurs sales affaires. Tout, de la métaphore prise au premier degré aux phrases fallacieusement recontextualisées, est récupéré pour la « cause », versé dans le chaudron de l’offuscation feinte. « Cet épisode a été particulièrement éprouvant. Protégez-vous et prenez-soin de vous » prévient Beauzac, préposée à la prise en charge du psycho-traumatisme.

C’était pas mal de s’attaquer à la séparation de l’homme et de l’artiste, clairement indissociables, mais pas comme ça, pas pour se vautrer dans des turlutaines de pissotière… On connaît les pitres qui ne bandent qu’aux outrances antisem’ de Céline : les féminos mouillent à l’esclandre Picasso sciemment monté en neige. Ce sont elles les siphonnées, malades de leurs sphincters, et c’est le destin de cette idéologie que de retomber à ses dépens dans les travers du magazine féminin, avec en cadeau pour fidéliser le public cette délectation morbide qui est la lubie des asexes… On joue à se faire peur parce que toute hypocondrie est bonne à prendre dans un milieu que le glauque fait vivre. Comment croire, après ce texte, à tous ces témoignages d’agressions qui pullulent, toutes ces histoires à dormir assis, devant son écran, où chacune accuse de n’importe quoi d’anciens partenaires, croyant devoir livrer sa version partiale, trafiquée, minable d’un drame qui hélas ne lui a pas fait, une bonne fois pour toutes, fermer sa gueule ?…

Chauveau et Beauzac rejoignent le club des persécuteurs, elles embrassent le point de vue pétaino-gaulliste d’un Pic’ traité toute sa vie en gitan dégénéré qui avait le toupet d’avoir des femmes et des enfants hors mariage. Peu importe l’état de sa fortune dont d’ailleurs il se fichait pas mal… Chauveau aurait pu tempérer la fièvre et l’ignorance de sa pouliche, mais si elle « pense » que le cubisme aurait existé « malgré tout » (ce « tout » étant la « perversité » de Pablo…), c’est pour valoriser celui des peintres qui ont suivi Pablo, un cubisme « plus chromatique et musical » dit-elle, adjectifs « aimables » d’une adepte des joliesses à mille coudées de la démarche originelle de Picasso et Braque… Mascarade à tous les étages… Vénus ne s’épilait peut-être pas la chatte, mais elle aurait tondu ces maboules d’avoir collaboré, quoi qu’elles s’en dédisent, avec un Pouvoir qui est par définition l’ennemi numéro 1 de la Beauté.

À SUIVRE…

SUITE ET FIN : ARIANNA HUFFINGTON, SOURCE DU MAL